Suite à ce délicieux
troisième album nous avons posé quelques questions à Kévin, chanteur et
guitariste d’Intenable pour nous en dire un peu plus.
Au passage, quelques jours après avoir fait l'interview, j'apprenais que Clem décidait de quitter le groupe tout comme Tibz son remplaçant à la basse...
A l'occasion de ce
nouvel album vous êtes passés en mode quatuor, pourquoi ce changement ?
Ça faisait
déjà quelques temps depuis "Quatrième mur" que l’idée de faire
passer Clem de la basse à la guitare, comme dans notre ancien groupe Nina’school,
nous attirait. Ça permet beaucoup de possibilités, d’entrelacements de riffs,
de puissance aussi. Personnellement ça me laisse plus libre au chant et sachant
que j’ai du mal à retenir mes propres paroles en concert, c’est bien que j’aie
un peu moins de trucs à faire !
Certains groupes
disent que le format idéal de groupe est le trio, Toi qui as
expérimenté plusieurs formules qu'est-ce qui change vraiment entre 3
et 4 ?
Le format
idéal est celui qui te permet de te rapprocher le plus possible des chansons
que tu entends faire, avec les arrangements que tu souhaites, pour nous le
quatuor était évident sur cet album. La formule en trio oblige à moins de
sophistications, une exécution plus directe et un ressenti plus punk à mon
sens. C’est un format qui m’a toujours charmé mais les désirs d’un groupe
évoluent et comme en cuisine, c’est appréciable de varier un peu les
ingrédients.
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Photo : Christophe Garin |
Les textes
d'Envier Les Vivants abordent de nombreux thèmes, certains sont tristes et
mélancoliques d'autres engagés mais ils ont tous en commun d'êtres superbement
écrits. Comment se passe justement cette écriture, comment choisis-tu tes
sujets ? Te cales tu sur la musique pour écrire ou l'inverse ?
Merci
beaucoup pour le compliment. Ce sont parfois les musiques qui m'inspirent les
sujets et parfois certaines instrus collent à des thèmes que je voulais
aborder, aucun mode d'emploi récurrent pour ça. Pour l’étape de développement
en revanche, c’est la plupart du temps l'écoute des musiques qu’on écrit en
groupe et qu’on préprod ensemble qui m’aide à dérouler les textes, à trouver
des fils rouges qui font sens avec les sujets, des cohérences formelles...
Environ 50% des textes de l’album ont été écrits rapidement puis laissés de
côté parce que je les trouvais médiocres. Voyant l’échéance du studio arriver
et n’ayant rien écrit d'autre, je les ai ressortis, enregistrés à l’arrache de
mon côté sans quasiment les avoir retouchés, les autres membres ont validé, et
ils sont restés tels quels au final. J’ai très peu confiance en moi sur ça mais
la seule validation de mes camarades de groupe, les sachant plutôt exigeants,
réussit à me convaincre que ça passe.
Je trouve que la
génération actuelle de groupes français est très engagée que ce soit dans leurs
textes ou dans leurs participations à des actions de soutien. Je pense à
Guerilla Poubelle, Justine, Charly Fiasco, Heavy Heart, Birds In
Row...et Intenable. Sensibiliser les gens est quelque chose qui vous tient
à cœur ?
Sans parler
de la musique en elle-même, de la pertinence des propos ou des actions,
l’existence des groupes que tu cites est réjouissante déjà pour l’aspect de
« groupes qui pensent et font penser ». A l’inverse, celle de pseudos
artistes qui ne remettent rien en question, surtout pas leurs propres comportements,
qui ne tournent que pour leur gueule, leur cachet, est de plus en plus
démoralisante pour nous. On préfère évidemment faire partie de la première
catégorie. Le terme de « sensibiliser » est bien choisi parce qu’il
n’a pas forcément de dimension « prof à élève », « sachant vers non
sachant ». On peut dire que oui, ça nous tient à cœur de partager nos visions
de certains sujets sociaux ou politiques, déconstruire quelques stéréotypes,
tenter de reboucher des pièges dans lesquels on peut nous même tomber, et voir
comment ça va être interprété. Si certains de nos textes aident à penser contre
ses certitudes, à ouvrir des portes, on en serait ravis, même si on n’a pas la
prétention de penser que ce sera le cas.
Vous avez toujours
porté du soin à vos artworks et particulièrement celui-ci. J'ai la version
vinyle, elle est juste superbe. Peux-tu m'en parler, qui l'a réalisé ?
La personne
qui a fait le dessin est Arya Prznierska (instagram : @przynini).
C’est une amie de Clem dont les œuvres nous ont séduit direct par leur côté à
la fois brouillon, intense et brutalement vivant. Ça correspondait à l’univers
de l’album qui raconte des gens cabossés, usés, survivants, mais aussi de désir
incontrôlable, de chaos pour un réel changement, tout ça ressortait bien de ses
propositions. L’agencement des dessins et des textes écrits à la main qui
constitue les visuels des formats CD et Vinyle a été fait par notre pote Delphine
Tournier
(flowers-and-bones.weebly.com).
On les remercie toutes les 2 pour leur patience et leur participation à ce
projet.
Pourquoi ce titre
d'album ?
C’est une
phrase que je voulais mettre dans un texte voire en titre de chanson il y a
longtemps, puis je l’ai complètement oublié. Elle m’est revenu un soir alors
qu’on était avec ma copine à un concert Kaiser Quartet, quatuor à corde
allemand superbe. Pendant tout le concert je n’ai pas arrêté de trouver des
raisons évidentes pour la choisir comme titre de cet album, pour sa sonorité
qui me plaisait et pour la cohérence que j’y trouvais avec chaque chanson. Je
laisse aux gens le soin de l’interpréter à leur façon à l’écoute de l’album.
Est-ce compliqué
de ne pas pouvoir faire de concerts pour défendre cet album ?
C’est
évidemment relou d’être obligés d’attendre septembre (et encore) pour pouvoir
repartir sur les routes, voir comment les gens ont reçu le disque, échanger
autour. Grâce à ce merveilleux monde moderne on peut déjà en avoir une petite
idée à travers les chroniques qu’on lit, les messages qu’on reçoit, c’est déjà
pas mal. Et en prenant un peu de recul c’est vraiment un problème d’enfant gâté
comparé à la déferlante de souffrance que peut amener cette épidémie chez
certaines catégories de la population, par plein de biais différents. On ne se
plaint donc pas et on se prépare aux prochaines dates en espérant qu’elles
auront lieu.