lundi 10 avril 2023

tRuckks - Funambule Carnage

 


tRuckks - "Funambule Carnage"


 La sortie d'un nouvel album du furieux quatuor tRuckks devrait nous mettre en joie tant leur mélange de noise rock / métal / math-rock / post-rock a fait des prouesses depuis leur début en 2015. Hélas, cette édition, uniquement au format numérique, marque la fin de l'aventure pour le groupe de Vesoul. Après 8 années riches en expériences et un dernier concert donné sur leurs terres, tRuckks a décidé de se séparer et se consacrer à d'autres projets. Et nous laisse en guise d'au revoir un magnifique dernier album nommé poétiquement "Funambule Carnage". tRuckks symbolisera la fulgurance et la précocité. Pour rappel, les quatre fougueux n'étaient que des adolescents de 14 ans quand ils ont monté ce groupe de noise-rock chanté en français. Car le choix de jouer une musique inspirée par des groupes anglo-saxons dans la langue de Molière a fait toute la singularité du groupe. Sans parler de la palette vocale de Leny dont la voix grave et changeante a impressionné dès les débuts. 


On retrouve d'emblée ce chant guttural sur l'inaugural "Brûler" décrivant une ambiance de fin de monde. La puissance de feu de tRuckks est intacte dès ce premier titre truffé de changements de rythme. Le quatuor accélère encore la cadence sur "Poli", véritable petite bombe punk à l'énergie débordante. Un titre expéditif (1min30) au refrain accrocheur, à siffler sous la douche. tRuckks renoue avec des structures plus complexes sur le morceau éponyme "Funambule Carnage". Soutenu par une basse bondissante, "Funambule Carnage" commence presque gentiment. Mais rapidement, les riffs se font plus lourds et le chant plus agressif. Après un pont faisant la part belle aux sons dissonants et aux ambiance tribales, le titre renoue avec un son plus lourd et énergique. Au passage, notons que cet album a le chic pour faire écho à l'actualité brulante. Peut-être n'était-ce pas le but mais on ne peut s'empêcher de penser au chaos urbain des dernières semaines (ça détonne, ça klaxonne", "les ordures qui s'entassent") ou encore à notre président monarque ("Regardez-moi, je suis là-haut, et malgré moi, je suis le roi"). Plus post-rock "Ne plus croire aux arbres" peut faire penser à TOTORRO. L'intensité y est grandissante et se clôture finalement, et c'est l'art du contre-pied de tRuckks, sur un gros riff tranchant. tRuckks renoue avec l'urgence sur "Banzai" sans perdre pour autant son goût pour les saccades. "Mystère" et ses 6 minutes montre un autre versant du quatuor. Un titre très expérimental et sonique marqué par les questions existentielles de Leny dont le chant plaintif et flippant nous scotche. Difficile d'embrayer après un morceau si riche et intense, mais tRuckks a de la ressource. Et montre sur "Encore la même" sa capacité à changer de direction passant du punk-rock au métal en passant par le krautrock en moins de 4 minutes. Après une telle débauche d'énergie, il fallait bien une petite respiration acoustique "Crépuscule" histoire de recharger les batteries et repartir pied au plancher. "Magnifique Journée" mélange avec réussite breaks et lourdeur. Et manie également l'ironie car si le ciel est dégagé, les vautours rodent. Du 100% tRuckks dans le texte et le son. Cet ultime album se conclut par une longue pièce de 7 minutes "Delirium" qui met en exergue toute la palette musicale du groupe de Vesoul. Après un début à la JEAN JEAN, une première rupture noisy s'opère. Après un bref retour au calme, "Delirium" monte de nouveau en puissance, se faisant plus bruyant. Mais le quatuor nous réserve une dernière surprise. Le déluge sonore et les larsens laissent finalement place à Gilles Deleuze et ses questionnements sur l'acte de création. Un final remarquable pour un album qu'il l'est de bout en bout.

 

 "Funambule Carnage", qui aurait mérité une distribution physique, restera une référence de noise-rock en français. Même s'il est regrettable en tout cas que le groupe n'ait pas bénéficier d'un plus grand soutien populaire, tRuckks aura marqué les esprits. Et si leurs performances scéniques nous manqueront, nous nous consolerons à l'écoute de leurs deux albums et de leur premier EP. 

 

Mr Caribou

 

Meilleur titre :                   Mystère

 

https://truckks1.bandcamp.com/album/funambule-carnage



mercredi 5 avril 2023

FANZINAT de Laure Bessi, Guillaume Gwardeath et Philippe Putaud

 


FANZINAT  de Laure Bessi, Guillaume Gwardeath et Philippe Putaud

Metro Beach

 

Guillaume Gwardeath est un personnage incontournable de notre scène punkrock nationale, on l’a entendu en tant que musicien (Déjà Mort, Donald Washington) mais c’est surtout en tant que rédacteur et chroniqueur qu’on le connait, ouvrez vos vieux Kerozene, Abus Dangereux, Rock Sound, ce serait surprenant de ne pas y croiser sa plume. On lui doit aussi très récemment la biographie des Burning Heads en collaboration avec Nasty Samy.

 

Il vient tout juste de réaliser Fanzinat (avec Laure Bessi et Philippe Putaud), un reportage sur la culture des fanzines. J’ai eu la chance de le visionner et il est loin de m’avoir laissé indifférent. Les Rêveries étant à l’origine un fanzine (20 numéros, le 21ème arrivera un jour, oh oui un jour !) ce documentaire m’a replongé dans l’époque où je passais moi aussi beaucoup de temps entre word et la photocopieuse du lycée.

 

Tout d’abord Fanzinat ne s’attache pas qu’aux fanzines musicaux, bien au contraire il vient aborder ceux liés au cinéma, à l’art, aux bds, graffzine, tatouages, foot... C’est une très bonne chose car il met en avant toute la scène underground au sens large et le mouvement DIY.

 

On parle donc d’une culture alternative, de la façon dont sont écrits les zines puis photocopiés et diffusés. Le tout est ponctué d’une foule d’invités et de témoignages et on peut citer Frank Frejnik, Pakito Bolino, Thomas VDB, Violette (eau de Javel), Gwardeath, Delphine Bucher, Bursty 2 Brazza

Il se dégage un vrai côté nostalgique, le genre qui te donne directement envie de ressortir tes feuilles A4, tes stylos, tes ciseaux…

 

A travers le reportage on sent l’esprit fanzine et cette liberté de ton, cette liberté d’esprit si caractéristique.

 

Un joli reportage, bien fait, bien documenté et donc vivement conseillé !

 

 

J. NeWSovski

 

Disponible en VOD ou en DVD

 

https://fanzinat.fr/


vendredi 31 mars 2023

EPIQ – Pas bravo la viande

 


EPIQ – Pas bravo la viande

Mrs Red Sound / PaDaM

 

On est prévenu dès le début : ce groupe est un ovni musical. Autant dire que dans mon esprit ça chauffe énormément pour savoir à quel endroit et entre quels groupes je vais pouvoir ranger cet album qui se définit comme du Afro World Punk.

Le groupe joue en trio : Basse – Batterie – Balafon. Juste improbable en fait. Alors, en lisant la bio, on découvre qu’il est composé de Laurent de Headcases, Gâtechien… de Matgaz (une des idoles des Rêveries) de Mars Red Sky, Daria, MSL JAX, Billy Gaz Station, Headcases… et Mickaël qui touche un peu à tous les instruments dont on ne connait pas le nom.

 

Alors j’adore le combo basse / batterie, les deux lascars se connaissent depuis des années et la rythmique tape et fait mal. Alampiq est géniale et pourrait rappeler quelque part la collaboration Carlinhos Brown et Sepultura, un métissage punk et musique africaine là où les métalleux brésiliens retrouvaient leurs musiques traditionnelles, les chœurs derrière ajoutent un côté totalement inentendu et novateur. Pas Bravo la viande, derrière un message non dissimulé, amène un gros son bien gras sur lequel la voix de Abdoulaye Dembelé souffle un vent de fraîcheur totalement atypique.

James Krin est un superbe morceau de percussions avec une grosse basse bien ronde dessus qui se termine avec le chant traditionnel de Lassina Coulibaly. Epiq tourne le potentiomètre vers la noise sur Epiq Et Colegram qui montre aussi le sens de l’humour du groupe et sa façon de ne pas se prendre au sérieux. L’album se finit sur le morceau tribal Dununba qui prend de l’épaisseur de minute en minute alternant les passages joyeux et ceux très sombres portés par une lourde basse distordue.

 

Atypique est le terme idéal pour définit Epiq qui rafraîchira nos playlists. Ce métissage improbable est juste génial.

 

 

J. NeWSovski

https://epiq1.bandcamp.com/album/pas-bravo-la-viande

https://epiqmusic.fr/

 

dimanche 26 mars 2023

FOREST POOKY – Violets are red, roses are blue and dichotomy

 


FOREST POOKY – Violets are red, roses are blue and dichotomy

Kicking Records / Production 386

 

Tout commence par un bel écrin, noir et blanc, le dessin est très joli, les traits fins, des faux airs de tatouages (réalisé par Roxane Rastrelli). Ce troisième album, si l’on compte celui des reprises, voit aussi la présence de Fred Norguet aux manettes, ceux qui ont connu les années 90 et la vague punkrock mélodique connaissent le patron. Sur cet album il se retrouve aussi à faire les percussions et les parties clavier, à ses côtés on retrouve aussi Le Bazile, batteur de Not Scientists et No Guts No Glory.

 

Forest Pooky reprend sa guitare acoustique et nous offre 10 superbes titres de pop folk, où ses textes font mouche avec de très jolies mélodies (Marvellous). Il offre des moments d’une rare intensité (Voice of silence), souvent emprunts de mélancolie et de douceur (Fog). Forest sait écrire des chansons et son expérience à travers une dizaine de groupes, les plus de 1100 concerts au compteur parlent pour lui. Son côté Beatles ressort sur le morceau d’ouverture, If I get sick of it, emballant, puis des sonorités plus électriques sur The ceiling and the floor, what you gonna do qui rappelle son côté punk ou encore sur Crazy Heart.

 

Ses textes sont intéressants visant les haters des réseaux sociaux sur Jojo ou son avis sur la vie sur la route chère aux artistes (If I Get sick of it).

 

Forest Pooky est un incontournable de la scène punkrock française, ce nouvel album solo fait la part belle aux mélodies folk et à la douceur. Artiste hors pair il livre ici un superbe album.

 

J. NeWSovski

 

https://forestpooky.com/

https://forestpooky.bandcamp.com/

 


mardi 21 mars 2023

NOT SCIENTISTS – Staring At The Sun

 


NOT SCIENTISTS – Staring At The Sun

Kicking Records

 

 

Ça y’est le virage est pris, il a été préparé, on l’a vu venir et il se trouve parfaitement maîtrisé. Not Scientists, depuis ses débuts en 2014 avec Leave Stickers on our graves, poursuit son évolution, passant d’un punk rapide vers des sonorités plus New Wave et Cold Wave déjà apparues avec parcimonie dans le précédent album Golden Staples sorti en 2018.

Le groupe est un acharné de la route, il a sillonné la France, notamment avec Johnny Mafia avec lesquels ils ont sorti un Ep en 2019 mais a su aussi s’exporter à l’extérieur notamment aux côtés de groupes comme The Flatliners ou The Copyrights. Entre temps on a pu aussi les entendre avec les légendaires Hard Ons avec un split en 2017. Not Scientists est donc un groupe qui se bouge, tente et évolue. Et c’est agréable.

 

Alors il y aura certes des partisans et des détracteurs, personnellement je suis ravi que le groupe ait réussi à m’amener à écouter ce type de sonorités. Ce qui n’était pas gagné d’avance.

 

C’est avec un line-up modifié, Julien arrivant à la basse à la place de Thibault, et qui le sera encore pour les futurs concerts, le légendaire Jim ayant décidé de laisser reposer sa guitare (il sera remplacé par Fred des Pookies sur scène), que se présente Staring At The Sun. On commence avec de l’énergie et le titre Push qui met en avant une rythmique rapide, le groupe continue avec les mêmes résolutions sur Rattlesnake qui rappelle que le groupe est bien issu de la scène punkrock (ses membres jouaient dans Unco / No Guts No Glory). Mais l’évolution vient aussi de la basse qui donne le tempo, une basse souvent énorme qui groove bien (why do you do this to me) parfois secondée par un clavier comme sur le très bon Like Gods We Feast ou sur Secrets, deux morceaux qui illustrent parfaitement le virage entrepris par les lyonnais. J’aime aussi beaucoup le très mélodique Standing at the edge et son côté très aérien.

 

Et parmi toutes ces sonorités très 80’s Not Scientists s’offre la reprise de %8x5 de UK Subs, un morceau de 1982 plutôt bien arrangé.

 

 

Staring At The Sun est un album marquant de ce début d’année, un parfait compromis entre punkrock et new wave, Not Scientits est un groupe entreprenant qui est loin de rester sur ses acquis.

 

 J. NeWSovski

 

https://notscientists.bandcamp.com/music

https://www.facebook.com/notscientists/



jeudi 16 mars 2023

FAKE NAMES – Expendables

 


 FAKE NAMES – Expendables

Epitaph

 

 Il n’est pas usurpé de dire que dans ce groupe se rassemble la fine fleur de l’histoire du punkrock car ses membres ont tous joué dans des groupes mythiques que ce soit Minor Threat, Bad Religion, Refused, Fugazi, Girls Vs Boys… J’avais déjà déjà parlé du groupe à l’occasion de la sortie de son premier album en 2020 qui se révélait un peu tiède à la vue du pedigree de ses membres, puis de son premier EP en 2021 bien plus convaincant.

Alors pour casser tout suspens, Expendables est pour moi leur meilleure production à ce jour. Je pense que sur les précédentes la difficulté devait résider à composer ensemble et créer une cohésion de groupe alors que ses membres sont géographiquement éloignés, ajouter du chant composé à distance… Mais cela semble chose résolue désormais compte tenu de la qualité de ce deuxième opus.

 

 

Tout commence avec Targets, un morceau frais et ultra dynamique qui n’est pas sans rappeler la période The (International) Noise Conspiracy, bien évidemment le chant de Lyxzen y est pour beaucoup mais musicalement on s’en rapproche aussi avec notamment un son de guitares assez proche. Fake Names arrive à conjuguer énergie rock 60’s et riffs pop notamment sur la sirupeuse Go.

Le chant et la voix de Lyxzen font vraiment des merveilles sur l’ensemble des morceaux et ses variations ajoutent du rythme (Damage done). Comme à son habitude ses textes sont très politisés et anticapitalistes (Targets).

 

Madtown est un morceau intéressant, un peu bluesy mais surtout très pop sur la forme tout comme Don’t blame yourslef qui se révèle très smooth. Mais Fake Names varie les styles car d’autres titres se trouvent plus orientés garage punk comme delete myself, Expendables ou encore damage done.

 

Ce deuxième album de Fake Names est donc plus cohérent et homogène en termes de qualité. Les morceaux restent plus cools dans le sens pas effrénés, accrocheurs avec des riffs sympas. Et si on aurait pu s’attendre à un ou deux tubes en puissance il n’en demeure pas moins une très bonne surprise.

 

J. NeWSovski

 

 

https://fakenamesofficial.com/

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dimanche 12 mars 2023

FORTUNE COOKIE CLUB – Diviser les nuances

 


 FORTUNE COOKIE CLUB – Diviser les nuances

Slam Disques

 

Pour ceux qui ne sont pas revenus à Fortune Cookie Club depuis des lustres, cet album sera une surprise. Les Québécois ont évolué dans leur style et même si le message reste le même, la forme elle, est différente avec des prises de risque plutôt payantes.

 

 

Depuis quelques années on entend beaucoup parler de Noé Talbot, le chanteur du groupe, à travers son projet solo où ses textes sont superbement mis en avant. Et je trouve que ce nouvel album des Fortune Cookie Club est un parfait mélange entre ce que faisait le groupe et ce que fait Noé. Cela donne des chansons dynamiques et fichtrement bien foutues comme La révolte qui voit le featuring de Kevin (Intenable / Nina’school), les deux chants se marient d’ailleurs très bien. Même chose sur Ensemble, une chanson rapide avec le featuring d’Emilie Plamondon (une animatrice radio québécoise), le titre va vite et les deux voix s’accordent à la perfection.

Il est vrai que cet album est placé sur le registre des invitations, on y retrouve ainsi Hugo qui joue dans les légendaires The Sainte Catherines mais qui est aussi organisateur du mythique festival Pouzza Fest, il intervient sur Ma Fascination Morbide, au texte super intéressant.

 

Clem de Gros Enfant Mort et JOHK vient prêter aussi sa voix sur Antihéros, un morceau qui monte en intensité tout du long. Il faut aussi citer Vincent Peake du groupe Groovy Aardvark mais aussi Grimskunk plus connu par chez nous pour ceux qui ont connu l’époque Lofofora/Oneyed Jack, qui intervient sur le morceau d’ouverture Le dernier siècle, au texte engagé.

 

La plume de Noé Talbot est d’ailleurs un des grands points forts du groupe, ses paroles sont engagées et quand le groupe prend le risque de sortir un morceau comme Changer le mal de place, ils sont encore plus mis en valeur. Et c’est cette prise de risque à l’image de ce morceau que j’apprécie particulièrement chez Fortune Cookie Club.  Il bouscule les codes du punkrock en proposant une mise en avant d’un texte pertinent un peu à la manière d’un titre de rap ou de slam et dont la mise en musique met en avant une intensité rare sur sa deuxième partie

 

Un autre moment magique de l’album c’est 40 degrés qui me fait penser un peu à Mer Morte d’Intenable. De la douceur qui se transforme petit à petit avec les mots superbement posés dessus. Du grand art !

 

Que dire de plus que de vous conseiller d’aller jeter une oreille très attentive à ce groupe qui mérite un sacré coup de projecteur de notre côté de l’océan.

 

J. NeWSovski

 

 

 

https://fortunecookieclub.bandcamp.com/album/diviser-dans-les-nuances

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