En février dernier nous avons pu interviewer Niko de Tagada Jones avant le passage du groupe au Chabada à Angers lors de leur tournée avec Ultra Vomit. Une interview riche qui est ici condensée autour de l'engouement que suscite le groupe et sa démarche depuis 25 ans.
Photo par LN |
Bientôt 25
années pour Tagada Jones, qu’est ce qui a évolué entre le groupe à ses débuts
et le groupe maintenant ?
Niko : ça beaucoup évolué en 25 ans, on a
commencé comme des lycéens : personne ne savait jouer. On a fait des
concerts très vite. Je prends souvent cet exemple là mais, nous, on a commencé
suite au mouvement alternatif. Ça avait explosé juste avant et on arrivait derrière, mais il y avait déjà tout le réseau existant qui faisait que, nous,
quand on a commencé à jouer on pouvait aller faire des concerts dans des
squatts, dans des cafés concerts, il y en avait vraiment beaucoup partout en
France.
On arrive
bientôt à notre 2000ème concert c’est aussi parce qu’on a beaucoup
joué dès le début du groupe. Après, on a appris à jouer sur le tas. Avec des
premiers albums qui se ressemblent, et, avec le recul, ce que tu apprends à jouer
techniquement t’influence aussi dans ta composition. Et puis, je pense qu’il y a
eu un 5ème membre qui est arrivé, Gus, qui est resté 7 ans avec nous
je crois, un deuxième chanteur, qui ramenait des samples, ça a
vraiment été une phase différente. Quand il est parti on s’est dit qu’on
n’avait peut-être pas besoin de reprendre un chanteur ou un mec qui fait des
samples donc on est revenu à une formule plus basique et aux premiers amours de
Tagada. Je pense qu'aujourd’hui les succès du groupe est plus basé sur le
relais avec les jeunes. On représente l’ancien punkrock, hérité de nos grands-frères, des Bérurier Noir, Parabellum, les Sheriffs…
A part les
Bérus, qui sont encore connus des jeunes, plus aucun autre groupe n’est connu et on
fait un peu le relais. On a vraiment trouvé notre voie avec ce mix entre le
punk, le HxC et le métal, mais aussi bien dans l’énergie, les paroles dont on a
gardé l’engagement. On a rajouté des chœurs sur les derniers albums, tout simplement parce qu’avant les gars qui jouaient avec nous ne
voulaient pas en faire et, là, on a une équipe depuis plusieurs années où les
gars aiment bien faire ça. Moi personnellement j’ai toujours aimé. Notre
formule nous va bien et ça marche, par exemple ici c’est la 39ème date
complète de la tournée.
Photo par LN |
Comment se
fait-il que les jeunes accrochent à Tagada Jones ?
Il y a plein
de groupes de notre génération dont les jeunes se foutent royalement. Des
groupes qui étaient bien plus connus que nous à l’époque se retrouvent à faire
notre première partie et ça fait un peu bizarre. Mais la réalité elle est là :
les jeunes ne s’intéressent plus à cette musique-là, et au final il n’y a que
très peu de groupes qui ont traversé les époques.
Après pour reprendre ta question, dans les minots de 12 à 15 ans il y a vraiment un gros intérêt et on est contacté par plein d’écoles, collèges et lycées car ce sont les élèves qui choisissent le groupe pour qu’on y mène des actions ou ateliers.
D’où ça
vient ?
C’est mon
avis personnel mais à force d’écouter du rap de merde à longueur de temps il y
a peut-être une génération qui se dit qu’il y a peut-être autre d’intéressant à
côté. Là c’est vrai qu’avec La Trappe et compagnie on arrive au niveau 0 de la
musique.
Pourtant on
n’entend plus trop de groupe de rock à la radio, dans les médias…
Mais les
jeunes n’ont plus besoin de ça, le vecteur c’est internet. Nous à l’époque on
se filait des cassettes, eux il ne faut pas grand-chose pour qu’ils s’intéressent
à un groupe qui n’est pas médiatisé. Comparé aux groupes de rap, nous, on a aucune
médiatisation, la seule qu’on a ce sont les réseaux sociaux et les concerts.
Après, j’estime
qu’on a de la chance, nous ça fonctionne, mais Ultra Vomit, avec qui on joue ce
soir, ça fonctionne encore mieux mais au final il n’y a pas autant de groupes que
ça qui touchent les jeunes. Je pense qu’ils en ont aussi ras le bol, qu’ils ne
peuvent plus faire confiance en rien. Nous on a toujours été stable, on n’a
jamais changé notre fusil d’épaule : DIY à 100%, alternatif, on a monté
notre propre structure et ce cheminement il intéresse les jeunes.
Photo par LN |
Trouver des
dates est-il plus dur maintenant qu’il y a 25 ans ?
Nous ne
sommes pas le bon exemple parce qu’on refuse même des dates. Tagada fait partie des
groupes qui jouent beaucoup. On fait 90 dates par an, mais avec toujours un peu d’étranger, cette année on fait le Japon, la Réunion, le Canada,
les USA. On part 15 jours et au final il ne reste plus beaucoup de place parce
que les gars qui organisent préfèrent le weekend.
Par contre
pour les jeunes groupes qui débutent c’est beaucoup plus compliqué. Mis à part
jouer dans la SMAc du coin qui veut toucher des subventions pour faire jouer
les groupes locaux, ils vont le faire 1 fois, 2 fois mais pas 25 au même
endroit. Je suis bien placé pour en parler car j’ai fait partie des commissions
pour savoir comment les subventions devraient être utilisées et, souvent, je
disais que ce système est pervers car les groupes jouent dans leur ville, à la
limite dans leur département, et, s’ils sont plus gros, dans leur région. Soit
les groupes marchent et ils cartonnent avec les réseaux sociaux et c’est parti.
Soit ils restent cantonnés, ils se font un petit nom localement
mais n’arrivent pas à sortir de là. C’est compliqué parce qu’il n’y a plus ces
réseaux que nous on avait pour jouer partout.
Photo par LN |
Parle-nous
de Rage Tour...
Séverine, ma
copine, et moi nous avons monté ça, on faisait ça en asso pour notre propre
booking de Tagada. Rage Tour est né en 2002 parce que le comptable et le
banquier nous ont dit que c’était un peu limite de rester en asso et nous ont
conseillé de passer en société et c’est là qu’on a dissocié l’activité booking et
l’activité label (Enragés Prod). Cette histoire s’est créée de plein de contacts, une véritable toile d’araignée, on s’est dit que ce serait dommage de ne pas en
faire bénéficier d’autres groupes et c’est comme ça qu’on a ouvert le booking.
Aujourd’hui on se retrouve à avoir une cinquantaine de groupes français, 200
internationaux et, d’année en année, ça grossit. Maintenant on est une véritable
entreprise, on a fait construire un entrepôt, on est 7 à travailler tous les
jours. C’est marrant ce développement-là, hyper DIY, toujours dans l’esprit.
Il y a plein de groupes qui ont eu des problèmes avec des grosses structures et qui viennent vers nous car on n’est pas des business men, on est avant tout des musiciens. C’est la musique, les gens et l’humain qui priment plutôt que gagner de l’argent
Il y a plein de groupes qui ont eu des problèmes avec des grosses structures et qui viennent vers nous car on n’est pas des business men, on est avant tout des musiciens. C’est la musique, les gens et l’humain qui priment plutôt que gagner de l’argent
Je pense qu’on
boucle la boucle. Le premier à l’avoir dit c’est Laurent des Bérus qui disait
que Tagada Jones a fait ce qu’ils avaient toujours eu envie de faire. Nous on l’a
fait parce que eux, nous ont donné l’envie de le faire.
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