C'est avec beaucoup de motivation et plaisir que Mr Caribou et moi-même avons rencontré le trio bordelais lors de son passage au Chabada d'Angers le 31 mars dernier. Ce fut pour nous l'occasion de découvrir un groupe simple, accessible, drôle, peu avare en blagues et en second degré (la première réponse suffira à vous convaincre) que la retranscription permet parfois de mal appréhender.
Voici, ici, l'occasion d'en apprendre plus sur le groupe stoner psyché qui a le vent en poupe.
Matgaz, Julien et Jimmy (de gauche à droite) |
Comment
ressentez-vous cet engouement actuel autour du groupe ? (chronique dans
les inrocks, couverture de Noise…)
Jimmy (Basse) (NDLR : sur le ton de l'humour):
Concernant cette popularité grandissante je trouve qu’on est enfin reconnus à
notre grande valeur surtout qu’on fait une musique qui ne se fait pas en
France, on est les fers de lance de ce style. On trouve que c’est amplement
mérité, j’ai envie de dire : « enfin les mecs se
réveillent ! ». Nous on n’est pas surpris parce qu’on savait que ça
allait arriver. On a envie de passer à la vitesse supérieure. J’espère que la
prochaine fois on ne se verra pas déjà car vous êtes un trop petit média et
qu’on aura plus qu’une interview au Chabada. C’est ce que j’avais à dire, merci
au revoir !
Matgaz
(Batterie) : Honnêtement on le ressent plus par les gens qui
nous accompagnent. Je le sens plus par rapport aux proches. Il y a un truc qui
est marrant, c’est bizarre sur les réseaux sociaux, dès que tu partages ce truc
là (la couverture de Noise) ça explose par contre quand tu postes ton teaser ou
ton album tu as nettement moins de vues… Concernant la couverture de Noise j’ai
plein de gens que je n’avais pas vu depuis des années qui maintenant m’envoient
des textos pour m’en parler…
Jimmy : Quand on a posté le
EP sur le bandcamp ça a autant réagi que la couv’ de noise. Moi je trouve
remarquable avec le groupe qu’on puisse jouer devant des gens. Là on fait un
plateau avec Stoned Jesus, je trouve que c’est bien plus important que d’avoir
une chronique dans les Inrocks et clairement ça touche les gens. Une bonne
chronique ou la couverture d’un magazine je vais pas le cacher ça fait
extrêmement plaisir. Noise c’est un magazine qu’on aime bien, qui parle de
bonne musique, mais clairement ce qui nous fait le plus plaisir c’est de jouer
avec Stoned Jesus et de jouer dans ce type de salle avec du monde devant et
c’est ça qui nous fait plaisir.
Matgaz : Faut que je vous dise quand même que quand je
suis allé au bureau de tabac avec mon fils pour acheter Noise et que la
vendeuse m’a reconnu… Ok je me suis servi de mon fils… Il a dit :
« regarde c’est mon papa ! ». Mais bon c’est vrai que ça
n’arrive pas tous les quatre matins.
Julien (Guitare, chant) : C’est gratifiant et surtout pour la famille.
Jimmy : Sans être obsédé
par la façon de faire une carrière on fait attention de faire ce dont on a
envie. Je crois que le plus important c’est qu’on est dans une niche et qu’on
puisse aller jouer à l’étranger, on est en train de monter quelque chose
contrairement à des groupes qui se cantonnent à la France.
Combien de dates
faîtes-vous par an ?
Jimmy : environ 80-90 dates
par an.
Matgaz : Sur cette tournée on est parti pour 5 ou 6
dates en Espagne puis une vingtaine de dates en Europe.
Comment se fait-il
que vous ayez sorti un EP juste avant l’album ?
Jimmy : En fait ce qu’il
s’est passé c’est que c’est l’album qui s’est trouvé avancé. On a eu une
proposition de tournée début mars avec Stoned Jesus et Belzebong. Cette tournée
s’est trouvée calée un peu plus tôt que ce que l’on aurait aimé et on aurait
été plus à l’aise avec une sortie d’album autour de mi-mars ou fin mars. Il
aurait fallu un mois ou deux de respiration en plus. Mais il a fallu que ça
aille très vite pour rendre notre copie au label, ça a été hyper tendu mais au
final ça s’est bien passé, c’est pour ça que le temps de vie du EP aurait dû
être un peu plus long. Quand tu fais une grande tournée en passant par
plusieurs pays, plusieurs capitales il faut avoir un album avec nous.
Jimmy : Pour le EP il y a
des choses qui ont été enregistrées dans le studio de Julien à Bordeaux et
aussi dans un studio à Talence où on va répéter souvent. L’EP et l’album sont
rattachés et si tu écoutes attentivement tu verras qu’il y a des boucles de
liaison qui sont rattachées, il y a même des choses de l’EP qui ont été
enregistrées pendant l’album notamment une guitare de Julien sur le dernier
morceau.
Matgaz : Un morceau de l’album est passé sur le EP
faute de place sur le support (vinyle). Il est très varié et représente bien l’album.
Jimmy : Mais le EP se
retrouve aussi sur l’album en bonus du cd et sur la version vinyle car il est
encarté dans les 1000 premiers, que je te conseille d’acheter au merch ce
soir !
L’artwork a une
place importante notamment depuis le deuxième album
Julien : En fait le
premier, la toute première version c’était un logo sur fond beige.
Jimmy : Quand on a décidé
de faire le vinyle nous-même, parce que notre label de l’époque pensait que ça
ne fonctionnerait pas le vinyle, car c’était une époque où on pensait encore
comme ça, c’était l’époque où il y avait encore Myspace ! De façon
modeste (!) on pourrait dire que la pochette du premier album c’est le big
bang !
Qui fait vos artworks ?
Jimmy : C’est un copain, un parisien qui s’appelle Carlos Arno, il fait des trucs super
bien en ce moment. Il a un nouveau délire, il dessine des têtes de mort sur les
visages des affiches dans le métro. Il
nous fait les pochettes depuis le début et on a tout un univers commun par
forcement que dans l’infographie mais sur ce qu’il est, ses références, le
cinéma, la musique. Ça a vraiment collé entre nous.
Julien : Il avait aussi
fait la pochette du tout premier 45t qui n’avait rien à voir mais qui avait
déjà le logo qu’il avait d’ailleurs fait sur un coin de table en 30 secondes.
Jimmy : On fait attention
aux artworks en général et on bosse avec pas mal de graphistes notamment depuis
quelques années, à chaque tournée, on a un nouveau visuel, parfois aussi des
sérigraphies et on bosse à chaque fois avec un espagnol qui s’appelle Markel Urrutia dans un studio, le Smoke Signals Studio, il nous fait tous
nos visuels depuis 2-3 ans notamment la Raie Manta. Ce qui est drôle c’est
qu’ils se nourrissent l’un l’autre, par exemple quand l’un met la Raie Manta
sur une affiche l’autre la reprend sur une pochette…
Comment fait-on
pour se retrouver sur des festivals aux Etats Unis ?
Jimmy : Le mec qui nous
programme à New York fait son premier concert, c’est un blogueur, le plus
important de la niche dans laquelle on se trouve, et il a décidé de faire un
mini festival à Brooklyn. Ce qui est bien c’est qu’on le connaît, il chronique
nos disques, on lui envoie des infos en avant-première, on lui fait parfois
écouter des démos avant la sortie sur album. Il fait ce fest avec le cœur, un
peu à l’ancienne, une sorte de bricolage moderne !
C’est la deuxième fois qu’on va
jouer aux Etats Unis. La première c’était il y a longtemps on avait fait une
mini tournée sur la côte ouest et notamment à Austin, bien connu des angevins
du fait du partenariat avec le Lévitation. On avait d’ailleurs aussi fait le
Lévitation d’Angers.
Vous aviez aussi
fait le Hellfest et aviez été filmés !
Jimmy : Oui en effet
d’ailleurs je regarde la vidéo tous les soirs pour mon égo, une main dans le
caleçon.
Vous avez fait un
split avec Year Of No Light il y a quelques années, ce sont des potes de
Bordeaux ?
Matgaz : Oui ce sont des copains et on a tourné avec
eux l’an passé sur une dizaine de dates.
Julien : On avait fait un
morceau commun avec eux, une partie du groupe en fait dont Jérôme, le
guitariste, avec qui j’étais au collège. Et sur la face B chacun a mis un
morceau, nous à l’époque nous n’avions pas trop de morceaux d’avance juste un
qui était issu d’une session. Par contre il y a un truc que j’adore avec ce
split, c’est marqué nulle part qu’il faut le faire tourner en 45t, ça m’a fait
chier au début mais maintenant j’en suis hyper content. C’est un morceau
instrumental et j’espère que les gens se gourent et qu’ils le laissent en 33t
et là c’est extrême ! Hyper lent !
Il y a d’autres
groupes avec lesquels vous êtes proches ?
Julien : Yeti Lane, ce sont
aussi des copains.
Matgaz : On peut dire aussi Stoned Jesus et Belzebong
puisqu’on a passé 3 semaines ensemble, ce sont devenus de bons camarades.
Stoned Jesus |
D’ailleurs comment
s’est organisée cette tournée ?
Matgaz : On a en commun notre tourneur mais c’est
notre idée, on avait croisé ces groupes lors de différents festivals. On
pensait que c’était intelligent de mélanger les trois groupes qui ont un fil
rouge en commun mais aussi un public différent. On peut le dire maintenant mais
c’était un succès car les salles étaient plutôt remplies et notre petit pari à
bien marché. Normalement le Up In Smoke c’était une tête d’affiche, un médium
et un ouvreur, là c’était trois moyens. Tu ne pouvais pas savoir qui jouait en
premier et ça forçait les gens à venir à l’heure.
Jimmy |
Vous avez fait un
atelier avec une école…
Jimmy : Comme tous les groupes, on essaie d’aller travailler
dans une salle avant de partir en tournée et il se trouve que là, à Talence,
ils ont fait venir une école de la campagne à qui on a joué des morceaux. Il y
a eu un échange, c’est de l’éveil aux musiques actuelles et au rock. Le but de
l’atelier concernait aussi les différents acteurs, le sonorisateur, le groupe…
Ils étaient aussi beaucoup intéressés par le fait qu’on voyage avec le groupe.
C’était chouette comme échange, on leur a joué quelques morceaux à volume
sonore différent. On avait déjà fait ça à Lille avec où on avait déjà fait un
concert pour enfants avec le volume plus bas mais avec les mêmes morceaux, les
mêmes vidéos et ça nous avait bien plu.
Matgaz : C’est chouette et c’est assez rare pour être
souligné de pouvoir jouer devant des gamins où on a rien changé à notre
musique. Ça convient aussi bien à des enfants de 4 ans qu’à des métaleux. Ça
nous rend heureux et eux n’ont pas de retenue, s’ils ont envie de danser ils
dansent et ça c’est bien !
Comment créez-vous
vos morceaux ?
Jimmy : En général Julien
arrive avec un bout de riff et il a souvent un ou deux riffs qui se loopent et
ensuite avec Mat on s’occupe des parties rythmiques. Parfois on met des tiroirs
et ça développe le morceau. Et il y a des morceaux, notamment au début, que Julien
a emmené terminés.
Avez-vous une
playlist pour la tournée ou changez-vous chaque soir ?
Jimmy : ça varie un peu, on
a un tronc commun, ça permet de faire quelques changements en début ou au ¾ du
set. On a aussi essayé de faire des articulations entre les morceaux pendant
qu’on s’accorde. On est accordé très bas avec des cordes détendues, Julien a
besoin d’un peu de temps pour l’accordage alors on a élaboré quelques scénettes
avec Mat entre les morceaux. On a une base de playlist et sur le concert de Rennes
on était très content de la façon dont ça s’est passé. Je pense qu’on va le
faire plusieurs fois celui-là. Sinon quelques petits changements d’un set à un
autre.
Matgaz : C’est quand même assez casse-tête parce que
maintenant on commence à avoir du répertoire, chaque morceau est très long et
on a envie de représenter nos trois albums, le dernier bien entendu, mais il
faut aussi penser qu’il est sorti récemment et que les gens ne l’ont peut-être
pas encore écouté.
Jimmy : Et puis il y a
aussi un morceau comme Strong Reflection que les gens aiment bien.
Matgaz : Au début on s’était dit qu’on n’allait pas le
jouer puis comme les gens le demandent ça fait toujours plaisir. Mais il y a un
truc intéressant à dire c’est qu’au début de la tournée on a commencé à couper
des morceaux, faire des hybrides.
Jimmy : On a réduit des
morceaux, Mind Reader s’est retrouvé
être Mind Réduit, Shot in Providence est devenu Short In Providence. Par contre
sur scène on a repris un vieux morceau du premier 45t qui s’appelle Sadaba qu’on n’avait pas joué depuis
très longtemps. Il a deux parties c’est très simple, on l’a coupé et on lui a
ajouté une partie de Prodigal Son,
ça en a fait un hybride et on en est très contents. Le truc c’est qu’on n’est
pas sur des concerts d’une heure et demie et du coup il faut faire des choix.
Mat comment tu
gères tous tes groupes notamment Daria qui vient de sortir son album et qui
tourne actuellement ?
Matgaz : Je n’ai pas pu faire la tournée, elle était
en février. J’ai joué sur l’album mais pas sur les tournées. C’est Charlie, un pote de Limoges, qui me
remplace, il jouait dans les Bushmen. Comme je savais qu’il avait le jeu pour
faire du punkrock mais aussi des parties plus « finaudes ». D’après
les échos que j’en ai eu ça se passe très bien.
Mars Red Sky prend la plupart de mon temps avec James Leg
aussi. Ça me tient à cœur car j’aime bien la place que j’ai là-dedans. Sur
scène on n’est que deux, à la base c’est son truc solo et je suis là pour servir le bordel.
J’aime bien cette place et ça change totalement de Mars Red Sky en terme de jeu
de batterie. Ça me fait du bien de voir des gens avec d’autres T-shirt que ceux
de Black Sabbath.
Matgaz avec Daria |
Matgaz avec James Leg |
Vous n’avez pas eu
de pression à sortir ce 3ème album ?
Jimmy : Je crois que pour
un groupe comme nous si on doit parler de pression c’est sur le deuxième. Là,
le troisième marche bien pour l’instant, mieux que le deuxième, ça fait
toujours plaisir. Pour les groupes la pression est sur le deuxième surtout
quand un premier est réussi. Il y a cette phrase qu’on entend tout le
temps : « un groupe peut prendre tout son temps à faire son premier
album mais il n’a qu’un an ½ pour faire le deuxième. » Julien en sait
quelque chose avec CALC : premier album encensé et difficile de faire
quelque chose vite pour le deuxième.
Quand tu fais un album qui est
remarqué par la presse ce n’est pas du tout un gage d’avoir un public qui te
suit, ça reste du buzz. En France il y a énormément de programmateurs de SMAC
qui s’arrachent les groupes dont on commence à parler et les mecs ne font pas
forcément du monde en concert car ils ne sont pas forcément prêts et c’est là
où ils ratent la marche. On voit plein de ces groupes qui sortent un album et
qui disparaissent.
Nous on a eu la chance de le
construire à l’étranger, d’être meilleurs sur scène je pense, on avance
là-dessus. On est bien plus prêts. Il n’y a pas que nous, si on prend Bordeaux
c’est aussi le cas des Magnetix, de JC Satan. C’est vrai que tout le monde
te veut d’un coup et puis les gens passent vite à autre chose. C’est l’histoire
de la Princesse et la putain. Tu passes vite d’une case à une autre, d’un rôle
à l’autre. C’est pour ça qu’il y a un gros turnover spécialement en France. Moi
je le sens comme ça. Ça se construit petit à petit. Tu prends les Inrocks il y
a toujours plein de nouveaux groupes, d’où le deuxième album est difficile.
Julien : Par exemple MGMT
il y a quelques années qui a fait un gros carton, ils sortent un deuxième
album, je l’ai réécouté récemment il est hyper bien mais les gens n’ont pas
capté.
Jimmy : The DO c’est
pareil. ? A la différence c’est que eux sont restés dans le circuit et ils
sont toujours la princesse.
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