Le stoner a le vent en poupe en ce moment et Loading Data, maintenant fort de 3 albums, dont un dernier enregistré par le pape du genre, Alain Johannes, avec des featurings de dingues (Nick Oliveiri des Queens of the stone age) était de passage la semaine dernière à Angers au Chabada pour un concert, hélas, devant un public restreint. Il était temps de faire le point avec ce groupe méconnu mais fort talentueux, auteur de l'un des albums forts de 2013.
A l’heure
actuelle qui compose le groupe et qui joue quoi ?
Patron : je
suis chanteur et guitariste.
Louise : je suis la bassiste
Robin : Je suis le
batteur.
Pablo : moi le guitariste
Rodrigue : et moi je suis le manager et ingé-son
Vous avez
sorti il y a quelques mois un album qui s’appelle Double Disco Animal Style, c’est
un nom un peu barbare, ça vient d’où ?
Patron :
Ça vient d’un burger, d’une chaîne de fast food qui s’appelle In & Out qui est sur la côte ouest
des Etats Unis et ils ont une spécialité qui est le burger Animal Style de même
que les frites à la sauce Animal Style. C’est pas marqué sur le menu, c’est un
truc qu’il faut connaître.
Robin : C’est comme si tu vas au Mc Do et que tu
demandes le truc en plus. Le concept c’est qu’ils te rajoutent sur ton burger
et sur les frites une sauce à base d’oignons frits, de cheddar fondu et de
tomate, un truc hyper gras. Du coup on a trouvé le truc sympa et on a repris le
nom en rajoutant la touche funky avec Double Disco Animal Style. Ça part d’un
délire à l’origine.
C’est un
grosse couche de gras en plus sur votre musique en fait !
Qui a réalisé l’artwork?
Louise : L’artwork a été réalisé par une amie, une
jeune graphiste qui s’appelle Aude Beaufort qui est étudiante aux Beaux Arts.
Elle n’est pas pro, elle ne vit pas de ça, elle fait une formation de tatoueuse
à part ça qui est très prometteuse.
Elle a tout un portfolio avec des images qui sortent de sa
tête et il y avait cette tête avec des points qui faisaient comme des
constellations autour. On a aussi choisi un œil avec un iris et des
constellations qui est imprimé sur le cd et il y a aussi une oreille interne de
façon planche anatomique pour le livret. On a bossé avec elle, choisi les
arrangements, les couleurs et elle a aussi fait le design des t-shirts avec un
beau crane et des ailes de papillon. C’est sa première pochette.
L’artwork, c’est
important pour vous ?
Le premier
album je ne te cache pas que c’est moi qui l’ai fait et il est plutôt
dégueulasse. Le deuxième c’était un mec dont je ne citerai pas le nom, et dont
j’étais très satisfait à l’époque. Et puis pour le dernier album j’étais très
content que Louise me présente à Aude car j’adore ce qu’elle fait, j’ai eu un
coup de cœur.
Oui c’est
important. Je vais te dire un truc, en 99 quand j’ai commencé ce groupe, je l’ai
commencé parce que j’étais avec un copain à San Francisco qui a acheté l’album
des Queens Of The Stone Age à la pochette. Il a kiffé la pochette, a acheté l’album
et après on l’a écouté et voilà ! Comme quoi une pochette peut avoir son
importance. Ça va faire quatorze ans que je suis dans le groupe et c’est grâce
à cette pochette que je fais cette musique.
Comment s’est
passé l’enregistrement avec Alain Johannes.
Ça fait
longtemps que le groupe existe, on a eu la chance de tourner pas mal avec des
groupes américains, ça nous a permis de rencontrer des artistes de cette scène.
Alain ne faisait pas partie de ces musiciens qu’on avait rencontrés mais il se
trouvait que j’étais à Los Angeles depuis 6 mois quand je l’ai rencontré. Il a
écouté ce qu’on faisait, il a kiffé, on a passé une après midi ensemble et il
était chaud pour sortir notre nouvel album. Je cherchais un producteur donc c’était
super. Je suis retourné en France puis revenu à Los Angeles avec toute l’équipe,
enfin une partie de l’équipe car le groupe n’existait pas sous cette forme là,
il y avait juste Robin et d’autres musiciens.
Avec Alain,
il y avait plein de signes qui faisaient que c’était évident qu’à un moment
donné on devait travailler ensemble.
En tous
cas c’est un souvenir mémorable, un mec incroyable, un talent de malade, une
imagination débordante, une gentillesse à toute épreuve.
Robin : En fait Alain a produit énormément de disques
dans les années 80 à 2000 que nous avons adorés et quand tu arrives chez lui,
dans cet univers tu as ces disques de platine qui trainent partout : du
Chris Cornell, No Doubt, Soundgarden, QOTSA, Them Crooked Vultures… Il a joué
dans ces groupes là, il a réalisé les albums de ces groupes-là et toi tu te dis :
« qu’est ce que je fais là, petit français ». Pour moi c’était un
rêve de gosse de rencontrer ce mec là.
P : J’avais
démarché pas mal de producteurs qui correspondaient à notre style et
curieusement le seul que je n’osais pas démarcher c’était Alain et c’est lui
qui a, au final, produit l’album !
Vous êtes arrivés
avec vos morceaux déjà tout prêts ?
Il y avait
un squelette, on avait 5 ou 6 morceaux pré-produits, quasi terminés ou terminés
même. Les 2/3 qui étaient vraiment des squelettes on les a terminés sur place
dans le feu de l’action.
Les deux
premiers albums avaient été écrits très rapidement en une semaine et boum
enregistrés dans la foulée. Pour celui-là j’ai pas réussi en si peu de temps,
ça m’a pris des années et même au bout des ces années je n’étais pas satisfait
du résultat. Puis pris dans l’urgence du studio j’ai réussi à terminer.
Qu’a apporté
Alain Johannes ?
P : Alain
a un milliard d’idées à la seconde ; il n’hésite pas à te conseiller et tu
sens quand c’est pourri. Il passe son temps à te faire écouter de la musique :
du jazz, du classique, du gros HxC qui tâche…
Par
exemple un jour il nous a fait écouter le mec qui chante « don’t worry be
happy »…
Louise : Bobby McFerrin
Ouais, donc
Bobby McFerrin en Gospel dans une église et il avait une voix extraordinaire.
Un truc inattendu. Ça te fout plein d’idées dans le crane et lui
il n’a aucune limite, il est capable d’aller très loin dans ses délires. Il y a
plein de trucs qu’on aurait jamais faits s’il nous avait pas poussé au cul.
En fait j’étais
un peu frustré avec les deux premiers albums parce que c’était pas moi qui
gérais, qui étais à la console, en même temps c’était normal ce n’était pas moi
le producteur mais tu as des idées de comment tu veux que le morceau sonne et
le problème c’est que je n’arrivais pas à m’imposer. Avec Alain j’avais pas
besoin d’essayer, j’apportais le morceau et je lui disais comment je voyais le
morceau et il comprenait tout comme s’il était dans ma tête c’était incroyable.
Je n’ai aucun regret, il n’y a aucun morceau où je me dis, ah je l’aurais plus
vu comme ça. Là non avec Alain c’est que du bonheur.
Pour ceux qui
n’ont pas participé à la création et à l’enregistrement des morceaux, est-ce
compliqué de défendre un album qui n’est pas le sien.
Pablo : Compliqué, non. C’était un vrai plaisir de
découvrir les morceaux, (re)découvrir le groupe, car je les avais découvert il
y a 6-7 ans de ça. J’ai accroché très vite sur des titres, j’ai mis plus de
temps avec d’autres pour au final m’apercevoir que tout l’album est bon et qu’il n’y a pas de
soucis à les jouer. Un plaisir et une belle aventure que de rencontrer tous ces
musiciens, cette voix. Je suis très content de faire partie de ce groupe.
L’album, en lui-même, je trouve qu’il est très bien
produit, une belle réalisation.
Louise : C’est un honneur, ça fait un an que je suis
dans Loading Data et je connais le groupe depuis 4-5 ans avec le deuxième
album. C’est le groupe que je rêvais de rejoindre. C’est marrant mais c’est
arrivé ! Jouer des morceaux qui ne sont pas les miens y a aucun problème
avec ça, en plus ils ont été enregistrés par M. Johannes.
Et puis un truc marrant, comme disait que Lo (Patron), c’est
que les choses doivent arriver. Une coïncidence énorme qui s’est passée, c’est
que j’ai bossé chez Alain. J’étais dans le groupe de sa nana, Tillman (orthographe ?) à l’époque. J’ai
bossé pendant 2 mois avec elle et on répétait chez Alain. J’ai eu un aperçu de
ce mec incroyable qui t’inspire à chaque pas qu’il fait, limite écrasant. C’est
très très fort. Un truc qui m’avait frappé : avant d’y aller j’avais
appris plein de morceaux qu’il avait faits, on a fait une première répète chez
lui et on jouait les morceaux bien, assez carrés et à la fin Alain a dit :
« Non mais si c’est comme ça, vous rentrez en France, j’ai pas que ça à
foutre, vous me jouez le truc à la note près. ». J’ai vu le mec cool mais
il faut pas rigoler avec ce qu’il a écrit.
Un peu avant de partir de Los Angeles, Alain me dit : « c’est
marrant, c’est l’invasion des Français, j’ai un groupe français qui arrive dans
une semaine. C’est Loading Data, ça te dit quelque chose ? » J’ai dit
ouais c’est génial, en France, on dit que c’est le groupe qui ressemble aux
QOTSA. Et Alain lui-même a dit : « Ah non pas du tout, c’est un
groupe qui a son son ». Et il est bien placé pour parler du style.
Pablo |
Louise |
Vous bossez
sur de nouvelles compos ?
P : j’ai
repris l’écriture depuis une semaine. C’est tout récent. En même temps l’album
est sorti il y a 6 mois donc on ne va pas retourner en studio tout de suite, on
va un peu défendre cet album. On a beaucoup joué en France cette année, on va
en Belgique, Angleterre, Espagne, j’aimerais bien aussi qu’on fasse une belle
tournée en Europe de l’est et j’aimerais bien en 2014 tourner aux États Unis.
Continuer
à composer, sachant que les ¾ des morceaux seront à jeter. Mais on a le temps
de composer car je ne pense pas qu’on retourne en studio immédiatement. J’espère
qu’on fera le prochain avec Alain s’il
est d’accord.
Vous arrivez
à jouer tous les morceaux sur scène ?
Rodrigue : Avec mon regard extérieur au groupe je
trouve que ce nouvel album, en live, c’était un challenge. Les mecs sont
revenus en France et il n’y avait pas vraiment de groupe. Ils sont arrivés avec
un super album mais pas de groupe. Et ce
qui est super intéressant c’est de les voir en concert maintenant. C’est un
album ultra riche au niveau des arrangements, des compos. En live il y a un
second travail.
Robin : Alain est fan de vieux claviers, c’est un truc
qu’on ne retrouve pas en live. On travaille pour l’adapter. Le plus dur à
reproduire ce sont les sonorités des guitares, les traitements de la voix. Il a
fait des choix qui sont très typés notamment sur les grattes, il salit
volontairement certaines guitares et ce sont des trucs qui sont très durs à
reproduire, quasi impossibles à reproduire sur scène. Le plus dur c’est de
trouver des sonorités, on essaye aussi de bosser les chœurs.
P : C’est
un très gros boulot de convertir cet album pour le live.
R : Autre chose, c’est qu’il y a 4 batteurs crédités
sur l’album avec chacun son style, et reprendre le jeu et le style de chacun c’est
pas évident. Pareil pour Louise à la basse, c’est difficile d’homogénéiser un
truc qui ne l’est pas à la base.
Rodrigue : Ce qui est bien c’est que tu trouves une
vraie cohérence entre les anciens morceaux . Entre Ghetto Rodeo Blaster et
Double Disco Animal Style il y a un vrai creux et en live tu arrives à avoir un truc cohérent.
Comment vous créez
votre playlist ?
Robin : Le truc qui est débile c’est qu’en fonction
des salles, des plateaux, tu joues un certain nombre de temps. En ce moment on
privilégie le nouvel album parce qu’il est sorti il y a peu. Après il y a des
morceaux qu’on ne peut pas virer car les gens les connaissent, ce sont des
classiques du groupe.
Louise : ça dépend aussi des groupes avec lesquels on
joue. Il y a peu de temps on a joué avec des groupes super métal, grindcore,
deathcore et on a axé notre playlist sur les morceaux les plus efficaces.
Comment est l’accueil
de ce nouvel album ?
Patron :
Il est plutôt positif, on était un peu attendu au tournant car ça faisait
longtemps qu’on n’avait pas sorti un truc et pas loin de deux ans qu’il n’y
avait pas eu de concert. Cet album est différent de ce qu’on a pu faire jusque
là, il est plus chiadé. Après, un fanzine stoner a refusé de le chroniquer car
on ne doit plus être stoner, plus à leur goût en tous cas. Ce qui me va très
bien je t’avouerais. Ce que j’ai apprécié et qui revient souvent c’est que c’est
un album difficile d’accès, qu’il faut écouter plusieurs fois avant de vraiment
l’apprécier. Plus tu l’écoutes, plus tu découvres des choses.
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