Quels ont été les retours sur Gris Klein, votre dernier album ?
Bart : Très positifs surtout qu’on l’a sorti après une période de merde, le Covid, beaucoup de remises en question, des trucs hyper violents à vivre et tout ça… Et quand on l’a sorti, on était en mode « tu ne sais plus », à un moment donné je ne savais plus si c’était bien ou pas, si c’est ce que j’avais toujours envie de faire, parce que c’était des conditions exceptionnelles. Et les gens se le sont grave approprié, on avait déjà eu des retours intenses par rapport au précédent (NDLR we already lost the world) et là ça s’est encore décuplé avec des gens qui viennent te voir en disant que l’album les a beaucoup touchés, les a aidés dans un moment compliqué. Là tu te dis que c’est utile de faire de la musique et ça fait vraiment plaisir.
S’en
est suivi une grosse période de tournées ?
En fait on a
beaucoup plus tourné en France que ce qu’on fait d’habitude, mais parce qu’on a
pris une orientation où on s’axe beaucoup plus sur l’Europe avec cet album-là
notamment en raison de notre changement de label. C’est aussi beaucoup plus
compliqué d’aller aux Etats Unis maintenant qu’avant le Covid. On a voulu
réduire le nombre de dates pour en faire de meilleures, dans des conditions
meilleures.
L’actualité
c’est le split avec Coilguns, c’est venu suite au 45t sur Mowno ?
B : Il
y a deux morceaux qui sont sortis et qui étaient en exclusivité sur Mowno (dans la revue) car ils nous
avaient soufflé l’idée de faire un split avec Coilguns.
Nous on leur a dit que peut-être plutôt que de faire un split on pourrait faire
une collab ensemble. Donc on s’est retrouvés avec trois morceaux, on en a sorti
deux avec Mowno et donc le troisième
se retrouve sur le 45t avec Coilguns.
Quentin :
Mowno a lancé l’idée. On s’est
enfermés durant une semaine, le but c’était de tout composer sur le moment. Par peur de la page blanche, Jonah (guitariste de Coilguns) avait composé quelques riffs de guitare qui nous
ont servi de départ à certains morceaux.
B : On
a fait une répète la veille et on a sorti des trucs qui ont servi de départ
pour l’un des morceaux. L’idée c’était de s’enfermer sept jours entre potes, de
faire de la musique et de voir ce qui en sort. De composer et enregistrer dans
la foulée.
Vous les connaissiez bien, avant ?
Q : On
avait tourné avec eux avant même que Joris soit là, donc peut-être 2017. Louis (Jucker)
et moi avons tourné ensemble aussi.
Il est sorti
sur quel label ?
B : Il
est sorti sur Hummus Records, le label de Coilguns,
et sur notre label qui s’appelle Bright
Colors. C’est majoritairement Hummus
qui a fait le travail, qui a géré le pressage. On a co-produit le truc. L’idée
c’était de rester dans l’autoproduction.
J’ai
cru voir que l’objet était spécial…
Q : C’est
un one-side, sur une face il y a les pistes et sur l’autre le dessin et comme
il est transparent tu le vois de l’autre côté. L’idée c’était de dire que le
vinyle c’est un objet de collection, et je trouve que c’est intéressant, même,
d’avoir que trois morceaux. Sur un CD ça fait beaucoup de plastique pour pas
grand-chose.
Chez Humus ils ont commencé une série de vinyles
comme ceux-là. Plutôt que de faire des EPs en petit format, ils font en grand
format avec un picture disc d’un côté et les pistes de l’autre.
Sur
Bandcamp vous avez détaillé le coût de revient du split.
B :
C’était l’idée, on n’a jamais vraiment eu de store en ligne pour le merch parce
qu’on le vend en tournée et à prix libre, du coup, le faire sur Internet c’est
toujours risqué et on était un peu frileux à ça. Il y a aussi le fait de se
dire que tu n’as pas de contact avec les gens sur Internet, donc c’est un peu bizarre
ça reste un truc où tu vends du tshirt et voilà… Et là c’était l’occasion de
tester cette idée de prix libre en ligne, pour le faire on s’est dit qu’on
allait expliquer aux gens, tout en leur disant qu’on ne voulait pas rogner sur
ce genre de principe là, donc soyez cools ! Et là encore on a de très bons
retours et les prix d’achat sont même au-dessus de ce que l’on aurait mis.
Le
prix libre c’est toujours compliqué à gérer pour l’acheteur je trouve…
B : Au
tout début de Birds In Row, quand on a
commencé à le faire on s’en foutait un peu, c’est pas comme si on allait se
faire des milliers d’euros. En fait tu te rends vite compte que les gens sont
plus généreux que ce que tu pensais et en fait ça te fait un peu changer l’image
que tu as des gens.
L’année
dernière vous avez annulé votre venue au Hellfest…
B : C’était
compliqué, à la fin je me réveillais la nuit en me disant que j’allais me
trahir en allant jouer là-bas. Quand on a vu l’histoire sur la stagiaire
harcelée ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, on s’est dit mais
qui va la soutenir cette stagiaire ? Dans toute cette scène personne ne va
le faire, et s’il ne doit y avoir que nous alors il n’y aura que nous et on a
annulé.
On connaît le Hellfest
de l’intérieur, certains y ont travaillé, on y a déjà joué, on a eu des
discussions avec eux, on sait ce qu’on peut attendre et ne pas attendre. On
connaît aussi très bien notre position de mecs hétéros blancs et notre rôle là-dedans,
Jamais je ne critiquerai des groupes comme Stinky
qui ont eu besoin de prendre cet espace. De notre côté on aurait pu envoyer des
messages à des groupes qu’on connaît en leur disant qu’on quittait le festival
pour telles et telles raisons. Je comprends parfaitement que certains prennent
cet espace quand même, qu’ils aient besoin de se l’approprier. Je peux le comprendre ce n’est pas ma
position à moi de faire la leçon car c’est davantage leur combat que le mien. Mais
pour nous ce n’était plus possible de se dire qu’on allait jouer avec Johnny Depp, Phil
Anselmo, le chanteur de As I Lay Dying
ou d’obscures groupes de black metal qui font des saluts nazis sur scène. On
est obligé de faire certaines concessions, on va dans des festivals où on ne
connaît pas tout le monde ; là, on sait et on ne peut pas faire semblant.
Il y avait besoin de mettre un coup dans la fourmilière, si c’est pour un
résultat bénéfique alors tant mieux, j’ai des doutes, mais si c’est le cas
alors ce sera trop bien.
Krav
Boca a dû faire la même chose à l’Xtrem Fest
Ce sont des
discussions qui sont hyper intenses je trouve, c’est difficile de faire comprendre
aux gens qui sont enfermés dans leur scène et dans leur consommation de la
musique plutôt que dans une pensée un peu plus globale du genre comment on
pourrait rendre ces zones là encore un peu plus safe pour tout le monde,
comment on peut être encore plus inclusif. Il y a des gens qui ne pensent pas à
ça, qui vont juste voir leur festival et qui ne voient pas du tout le problème,
qui vont te dire « si t’aimes pas ce groupe-là tu ne vas pas le
voir » mais ce n’est pas ça le problème, c’est pas si simple, tu as quand
même payé pour qu’il soit là et tu donnes ton accord pour le fait qu’un nazi
soit sur scène dans un festival assez mainstream maintenant. Il y a plein de
discussions qui sont difficiles à avoir avec les gens mais qui doivent être
amorcées. Mais au-delà de tout ça on n’avait plus envie d’y aller alors on n’y
est pas allé. C’est un truc qu’on s’est toujours promis. Si jamais juste l’un
d’entre nous ne veut pas jouer avec tel groupe ou à tel endroit, on ne le fait
pas, point barre.
La
politisation c’est important pour vous ?
Dans nos
vies on parle politique, cette politisation elle est venue de la scène punk, au
début on l’était vachement moins, comme tous les gamins tu dis « je ne
suis pas raciste » mais tu ne comprends pas ce que tu veux dire par là, et
au bout d’un moment tu vas dans des squats antifascistes et tu commences à
apprendre, apprendre le vocabulaire, les théories, tu fais ta petite cuisine.
Et la politique est devenue une chose à part entière de nos vies. Quand on voit
les news, on va interpréter les choses d’une certaine façon parce qu’on vient
de tel milieu. Je ne sais pas si on peut dire qu’on est un groupe politisé mais
c’est juste important pour nous d’avoir des discours sur scène, de s’exprimer car
on a cette chance là et qu’on pense que c’est important de dire aux gens qu’ils
ne sont pas seuls à se sentir comme des merdes, pas seuls à avoir l’impression
de vous faire foutre sur la gueule en permanence quand vous allez dans une
manifestation alors que normalement c’est plutôt légitime de manifester. Les
discours que l’on a, en soit, ils ne sont pas très radicaux, c’est juste des
discours de tolérance, de bienveillance. C’est devenu radical d’être
bienveillant dans la France d’aujourd’hui. C’est ça qui fait plus peur.
Interview par J.Newsovski le 9 février à Cholet.
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