Voilà déjà 6 mois que le troisième album de Dissidence Radio, la tentation de Démocrite (chronique) est sorti. Après l'avoir écouté, ré-écouté en long, en large jusqu'à la limite de l'usure il était temps d'en savoir un plus sur le groupe et son dernier opus grâce à Colin, le chanteur, qui a bien voulu répondre à mes questions. Une interview longue et riche.
• Pouvez vous me dire d'où vient votre nom de groupe ?
• Pouvez vous me dire d'où vient votre nom de groupe ?
Il n’y a pas d’origine spécifique, c’est tiré de nulle part si ça
répond à ta question. À la base, le groupe s’appelait NEVER AGAIN avec un ancien line-up et on a changé pour celui-ci
quand on a enregistré le premier album « La conscience tachée de sang »en 2007. Ce choix
provient du fait que l’on cherchait un nom avec une consonance parfaitement
cohérente avec le punk rock qu’on jouait autant musicalement que dans l’état
d’esprit à l’époque, plus optimiste et naïvement, un poil revendicatif
aussi , ce qui n’est plus spécialement le cas.
Ce qui pose une question d’autant plus intéressante qui rejoint la tienne qui est : Est-ce que la
musicalité du nom DISSIDENCE RADIO
correspond toujours à ce qu’on fait depuis qu’on a repris le groupe sérieusement
en 2010 avec ce line-up là et sur les trois disques qui en ont découlé?
Cela mérite réflexion en tout cas.
Pour ce qui est du "Radio" c'est évidemment pour
l'aspect musical du terme, en tant que groupe, un de tes buts ultérieurs au
processus créatif (bien trop souvent négligé) est de partager ta création et
ton univers par le biais d'un disque ou sur une scène, il y a ce côté diffusion
de ta musique avec ce que ça comporte de bonnes et mauvaises ondes, ça selon le
"récepteur" évidemment.
Pour le reste, dans la pensée populaire, le terme « dissidence »
a majoritairement une connotation politique, revendicatrice ou moralisatrice, je
pense qu'il est souvent perçu comme tel en première instance à notre égard,
alors qu'au final, si on fait l’effort de se pencher sur l'univers du groupe,
on est bien loin de ça.
J'y vois personnellement une autre dimension beaucoup plus vaste, la dissidence dans une approche et sa définition "prétentieusement" philosophique du terme, être son propre dissident envers soi-même, c’est déjà beaucoup. Je cherche juste à pousser des réflexions sur nous-mêmes, l’homme dans sa profonde ambigüité avec sa dégueulasserie intrinsèque, nos vieux démons, nos actes et surtout nos non-actes sur ce qui nous entoure face à certains constats, à des fins purement artistiques et d’exaltation personnelle et non pas bêtement et inutilement politiques (au sens du spectacle politicard clivant et stérile).D’ailleurs à ce niveau-là, je déplore que depuis quelque temps, la terminologie « dissidence » soit de plus en plus accaparée par des pseudos-révolutionnaires de touts bords et notamment d’extrême droite, j’ai bien mal à MA dissidence quand je vois ça! Mais c’est la règle d’un jeu où tous les mots et concepts sont à redéfinir dans leurs complexités et les perspectives historiques… « L’ordre des choses est le désordre des êtres ».
J'y vois personnellement une autre dimension beaucoup plus vaste, la dissidence dans une approche et sa définition "prétentieusement" philosophique du terme, être son propre dissident envers soi-même, c’est déjà beaucoup. Je cherche juste à pousser des réflexions sur nous-mêmes, l’homme dans sa profonde ambigüité avec sa dégueulasserie intrinsèque, nos vieux démons, nos actes et surtout nos non-actes sur ce qui nous entoure face à certains constats, à des fins purement artistiques et d’exaltation personnelle et non pas bêtement et inutilement politiques (au sens du spectacle politicard clivant et stérile).D’ailleurs à ce niveau-là, je déplore que depuis quelque temps, la terminologie « dissidence » soit de plus en plus accaparée par des pseudos-révolutionnaires de touts bords et notamment d’extrême droite, j’ai bien mal à MA dissidence quand je vois ça! Mais c’est la règle d’un jeu où tous les mots et concepts sont à redéfinir dans leurs complexités et les perspectives historiques… « L’ordre des choses est le désordre des êtres ».
• Quelle
est l'histoire de Démocrite et qu'est ce qui vous a inspiré pour donner son nom
à votre album ?
Eh bien, pour synthétiser, je dirai que Démocrite était un philosophe
de la Grèce antique (contemporain de Socrate) assez ostracisé par ses confrères
malgré ses travaux reconnus. Après avoir voyagé à travers le monde pour développer
sa pensée, n’ayant aucun intérêt pour quelques formes de gloire, il décida de finir
ses jours reclus dans une cabane de jardin, puis dans une grotte pour fuir la
bêtise du monde. Il développa une pensée parallèle à la pensée pessimiste
d’Héraclite qui est celle d’accepter le tragique et absurdité des choses/du
monde et en prenant le parti d’en rire. S’exalter du tragique ! Prenant en
compte le degré de folie que cela peut supposer, c’est magnifique je trouve.
C’est cette métaphore-là que soulève le titre de l’album « La tentation
de Démocrite ». Tourner le dos à la marche d’un monde déraisonnable et à sa
lourdeur. Accepter le tragique de son
déclin sur nos petites vies et d’en rire jusqu’aux larmes. C’est une tentation
intime et personnelle que m’inspire notre époque dans sa profonde noirceur si
ça répond à ta deuxième question. Je dois ça à ma lucidité et à ma propre
nature aussi, c’est d’ailleurs le fil rouge de l’album.
J’ai voulu intituler l’album ainsi car cela venait parfaitement
conclure en toute cohérence la fin d’un cycle, d’une trilogie. Les trois
derniers disques sont liés. « Des espoirs et des illusions »2011,
« Saturation » 2013, « La tentation de Démocrite »
2014.
• Vos textes sont réfléchis et
bien écrits, quelles sont vos inspirations ? Avez-vous des modèles en termes
d'écriture ?
Et bien merci du compliment ! Pour ce qui est de l’inspiration,
je ne sais pas quoi te répondre précisément. Suite à ces trois derniers disques,
je ne peux qu’admettre qu’il y a une grande part d’obsessions et de névroses
là-dedans. Cala dit, je puise autant dans la grande Littérature, le Cinéma que
la Musique au sens large. L’inspiration mise en forme est un condensé de tous
ces artistes qui peuplent mon panthéon personnel, ça va des grands poètes
Français à L-F Céline, Pasolini, Bukowski et la Beat-Generation, Nietzsche, Sade,
H-G Clouzot, B. Blier, O. Welles , L. Von Trier, H-F Thièfaine, Jim Morrison et
l’immense Professeur Choron entre autres, c’est très vaste et en même temps
cohérent. C’est par ailleurs le thème du morceau « Digression »sur
l’album.
Après, je n’ai pas de modèle d’écriture à proprement parlé dans le
punk rock et notamment le français mais plus en matière d’approche de création.
Il ya un côté
très « spleen » dans DISSIDENCE RADIO même si la musique en
elle-même ne le laisse pas percevoir au premier abord. J’aime bien ce côté-là
comme pouvait le faire des groupes comme AMANDA WOODWARD ou GALLOWS sur leurs
deux premiers albums du temps de F.Carter ou bien encore aujourd’hui des
groupes comme LA DISPUTE. Je me sens très proche de leur vision globale de
création d’un disque mais autant qu’un Gainsbourg avec un « L’homme à la tête de choux » ou
qu’un H-F Thièfaine dans ses vieux albums.
J’essaie d’accoler et de mettre
en forme la musicalité d’un texte sur la « bande-son »qui pourrait
faire passer au mieux l’intensité et l’émotion voulue sur du punk rock, et
n’ayant pas de talent inné pour ça, cela me demande du travail.
Les deux ! Cela dépend de qui compose le morceau en fait. A la
base, j’ai en général de la matière textuelle sur papier écrit en amont. C’est
les mots qui doivent inspirer la musique pour ma part. Si j’apporte la
structure musicale de base du morceau de mon côté, en général j’ai déjà
travaillé à la mise en forme car je sais ce que je vais avoir envie d’y
transposer comme ton et atmosphère. Quand le morceau vient de Baptiste ou
Bertrand, ça me prend plus de temps car je dois travailler en aval pour trouver
les mots adéquats au morceau et en fonction de ce que ça m’inspire et si ça
rentre dans la vision globale de l’album, ce qui est souvent sujet à
chamaillerie en période de composition…
• Vous avez fait un titre sur Tom Gabel aujourd'hui devenu Laura Jane Grace, sa vie semble vous inspirer...
Oui Reinventing Tom Gabel ! En fait, avec ce morceau j’ai juste
voulu pointer du doigt quelque chose de fondamental et d’évident que personne
ne semblait souligner suite à l’annonce de sa dysphorie du genre, c’est bien le
fait que cette annonce a évidemment porté un nouveau regard sur Against Me !
artistiquement parlant. Gabel a apporté une clef de compréhension artistique sur
pas mal de choses qui ont pris sens dans les albums depuis ce jour-là, ça va du
nom du groupe, aux titres d’albums et certains textes. Oui en faisant ça il a
réinventé à nos yeux le Tom Gabel tel qu’on l’avait toujours perçu. J’admire
cette démarche d’avoir dissimulé ses vieux démons comme il l’a fait entre les
lignes. Vertu d’artiste!
Je me suis donc amusé à Francisé des lignes de textes ou titres de
chansons évocateurs d’AM ! pour mettre en lumière le Tom Gabel effacé dans
l’ombre d’une Laura Jane Grace élevée en égérie.
• Pourquoi avoir choisi le Chipolata Framboise Studio ? Comment s'est passé l'enregistrement avec Fab ? Vous a t'il apporté quelque chose sur vos compos ?
Alors on a enregistré au chipo parce que Fab est un copain de longue
date maintenant et qu’on savait que cela allait être agréable de bosser avec
lui sachant qu’il avait suscité de l’intérêt pour un enregistrement d’album
avant même qu’on lui en parle. Il est très impliqué et consciencieux dans son
travail ce qui est très plaisant. Il n’hésitait pas à nous donner son avis ou à
nous faire essayer des choses quand on était dubitatif sur des détails, très à
l’écoute et de bon conseil en fonction de ce qu’on attendait de lui en terme de
résultat. Globalement on est tous contents du résultat et lui aussi donc c’est
cool ! Enfin éparse comme lui dirait !
• Quelles sont vos relations avec Smalltones rds et deux pieds deux dents
? Comment les avez vous rencontrés ?
Et bien écoute, Lionel de SmallTones Rds a fondé son label sur
Angoulême il y a quelques années, Baptiste le connaissait et spontanément il
nous a proposé en 2011 de sortir l’EP « des espoirs… ».On le côtoie
depuis, il a participé donc à la sortie du dernier album. Nos relations sont à
la cool, même si on n’est pas toujours d’accord avec lui sur certains points,
on en parle. Mais Lionel est un chic Monsieur qui a le mérite d’investir pour
des groupes par passion et on lui doit ça. C’est pour ça qu’on essaie de
défendre autant que faire se peut les disques qu’il nous sort.
Pour 2P2D, on a rencontré Kentin et Klement dans un échange de date
avec leur groupe Johk, le courant est bien passé avec eux et ils nous ont
proposé de participer à l’album. C’est devenu personnellement des copains et je les remercie encore.
• J'aime bien l'artwork de la tentation de Démocrite, qui a fait l'artwork ? Quelle importance attachez-vous à l'artwork justement ?
L’artwork est d’Hugo Lazare des NINA SCHOOL! J’accorde une importance capitale à la
pochette d’un disque et au design. Le visuel donne un certain colorie à
l’album, pose une atmosphère si c’est fait en cohérence, ça nous impacte qu’on
le veuille ou non. De plus, cela apporte une réelle dimension à ton disque. Je
ne crois pas que ce soit un aspect à prendre à la légère.
Pour cet album, on a pris le parti de laisser place à l’imagination de
quelqu’un extérieur au groupe car les pochettes sont toujours des sujets de
prise de tête entre nous. Même si l’ensemble ne faisait pas l’unanimité on
s’est mis d’accord sur celle-ci. Personnellement, j’aurais voulu que le livret
contienne une ou deux illustrations en rapport aux textes mais cela ne s’est
pas fait.
Quels sont
vos projets ?
Pour le moment on va continuer à défendre l’album sur d’autres
tournées (France et pays de l’Est l’année prochaine) et dates isolées. On a un
peu de demande donc on va essayer d’y répondre. Pour la suite niveau album, on
n’en est pas encore là, reste à savoir si la ligne de la tentation de Démocrite aura été franchie…
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